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Mission de terrain en République Démocratique du Congo




Après 10 ans de collaboration avec le Docteur Tony Elonge et son ONG Le Cœur de compassion, il est toujours surprenant de voir comment notre ami nage à contre courant à tous les niveaux. Là où la population est résignée, il initie des changements. Là où les officiels sont dans leurs bureaux, il est sur le terrain. Là où plusieurs utilisent leur pouvoir pour faire passer des décisions iniques, il s’oppose et se bat pour ce qui est juste. Là où la population n’a pas d’accès à la santé, il se rend en personne et s’efforce d’organiser des soins autant que ses moyens le permettent.


Ce mois passé au Congo du 27 juin au 3 août a encore une fois permis de constater ces réalités, tant dans les détails de fonctionnement des différents projets portés par Le Cœur de compassion que dans les déplacements difficiles effectués au cours de ces quelques semaines, nous amenant de Lodja à Lomela (à 180 km) puis à Tshudi Loto (à 215 km).


Quel encouragement de voir à Lodja comment l’ISTSAN se stabilise. Déjà la première promotion d’étudiants est en stage de fin de cycle et sera bientôt diplômée. Est-ce à dire que tout est parfait ? Non, bien sûr. Les enseignements doivent encore être approfondis selon les filières et les stages professionnels ne sont pas toujours aussi formateurs qu’espéré, un véritable dialogue existe entre étudiants et professeurs avec le souci de continuer cette progression constante vers le mieux en posant des actes concrets. La posture de Tony et de ses collègues enseignants est d’apporter aux étudiants des enseignements plus qualitatifs afin de continuer à contribuer au progrès de la province. L’implication d’enseignants internationaux fait la différence en ce sens. Cette posture se retrouve aussi notamment dans la filière de développement communautaire, pendant laquelle les étudiants se rendent dans différents villages pour mener des actions, se former, mais aussi contribuer à faire changer les mentalités des villages bénéficiaires. Cette institution est toujours soutenue par La Gerbe et par MEDAF Suisse, qui sponsorisent 30 étudiants parmi les plus défavorisés. Ce sont des derniers premièrement qui ont bénéficié de l’engagement des coureurs lors de la dernière édition de Hope 360 !



Pour la suite, l'équipe académique de l’ISTSAN projette la mise en place d’activités génératrices de revenus (élevage, cantine universitaire, service d’impression) pour favoriser l’entrée régulière de fonds et avancer vers plus d’autonomie. En attendant, notons qu’en juillet une commission du Ministère de l’Education supérieure a procédé à un audit de toutes les institutions du Sankuru et l’ISTSAN est sorti premier en ce qui concerne le suivi scolaire et l’organisation académique.


A moins d’un kilomètre de là, l'hôpital Otema poursuit son développement avec désormais une capacité de 93 lits ! Les équipes sont bien formées et l’hôpital tourne même en l’absence du Docteur Tony. Le défi actuel reste cependant l’accès à l’hôpital situé en périphérie de la ville, ce qui freine la fréquentation par les patients. Ces derniers s’efforcent d’économiser leurs moyens dans une province où le litre d’essence atteint 3 dollars ou plus. Les finances s’en ressentent fortement. Ainsi la nouvelle apportée par Tony de la « mécanisation » de 14 agents de l’hôpital est arrivée comme un grand soulagement. Ceci signifie que ces 14 employés toucheront bientôt un salaire mensuel de l’Etat, soulageant d’autant la pression financière sur Otema.


Après quelques jours passés à Lodja, une équipe de 12 personnes (dont le Docteur Tony, le Docteur Laurianne, présente pour 6 mois au Congo, et moi-même) s’est rendue à Lomela pour une mission chirurgicale. Il faut sans doute bien la joie de voir 48 patientes opérées pour contrebalancer les efforts liés à la route (18 heures sur les pistes cabossées) et aux auscultations (autour de 400 patientes accueillies en 8 jours). Cette mission a continué à Tshudi Loto avant notre retour à Lodja.


Le passage à Tshudi a rendu possible une visite de La Maison du Père où 35 enfants, orphelins pour beaucoup, sont pris en charge et ont accès à l’école « La Gerbe » fondée elle aussi par Tony. Nous y avons été chaleureusement accueillis par les petits pensionnaires de 7 à 16 ans qui ont déclamé avec entrain plusieurs proses et poèmes sous le regard de leurs enseignants. Quelle joie de voir que plusieurs d’entre eux poursuivent ensuite leurs études à l’ISTSAN, bien souvent avec un meilleur niveau scolaire que les autres étudiants.


La route du retour (27 heures tout de même !), nous a amené à croiser de multiples coopératives locales du Cœur de compassion dans lesquelles les villageois s’organisent pour cultiver et faire de l’élevage de manière plus productive. C’est là encore un résultat des projets lancés par Tony dont la population se saisit pour mieux vivre.



Où en est-on alors aujourd’hui ? Toutes les institutions portées par Le Cœur de compassion ont passé un cap vers une première stabilisation malgré des besoins encore importants en infrastructures, comme à l’ISTSAN, ou en équipement, comme à la Maison du Père. Mais l’essentiel, et ce qui encourage à poursuivre notre soutien de ces initiatives, est la mobilisation des personnes et la progression constatée depuis notre dernière visite en 2021. Les défis sont encore nombreux, et il est notamment souvent difficile pour Tony de trouver les bonnes personnes desquelles s’entourer. Mais déjà de vrais progrès ont été réalisés et il faut avoir conscience du fait qu'au-delà des défis matériels, les changements profonds passent par le chemin que parcourent les personnes dans leurs connaissances et leurs modes de pensée. C’est aussi et surtout ce chantier que Tony a ouvert depuis déjà plus de 10 ans et qui durera encore longtemps.

Et puisqu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin, un projet d’étude et de traitement du paludisme par l’artémisia (une plante déjà connue pour ses vertus anti-paludéennes) est lancé depuis peu par Tony et impliquera les 4 filières de l’ISTSAN (santé, développement communautaire, informatique et coupe couture) ainsi que l’hôpital Otema. Levons les yeux vers l’horizon car l’aventure continue !

Michaël Païta

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